« Laissez passer l’Académie …… » C’est par cette injonction solennelle que Maurice Cullaz, alors président de l’Académie du Jazz, fut accueilli par l’huissier lors des funérailles de Jean Cocteau en 1963.
Quand furent établies les bases de ce qui allait devenir l’Académie du Jazz, cette musique était perturbée par une petite guerre entre ses critiques et ses auditeurs. Soit l’on faisait semblant d’ignorer son actualité et son devenir, soit on oubliait les fondements de son passé. Libelles, prises de positions publiques, articles de fond, manifestations diverses entretenaient la confusion.
Les festivals de jazz en France étaient pratiquement inexistants, les concerts de musiciens américains et les clubs de jazz peu nombreux ; quant à l’édition de disques, elle était précaire et souvent mal gérée. Il n’y avait aucun service de presse efficace, et les informations circulaient peu dans les grands journaux.
Cependant, le jazz s’imposait auprès de marginaux, d’étudiants et d’intellectuels à Paris. En province, la situation était plus clairsemée. Quant aux médias, ils étaient peu nombreux pour fidéliser un grand public. Seuls quatre ou cinq petits programmes radiophoniques répondaient chaque semaine aux souhaits, très contrastés, des amateurs bien vite comblés par l’arrivée de
« Pour ceux qui aiment le jazz » sur le nouveau poste Europe n°1.
C’est pour remédier à ce manque général de considération que quelques amateurs, qui se situaient au-delà des clivages esthétiques, décident de fonder une Académie du Jazz, projet pour le moins original.
Ce petit groupe d’une quinzaine de jeunes collectionneurs qui s’étaient connus dans la cave du Hot Club de Paris, ou chez les quelques rares disquaires spécialisés, décida de récompenser chaque année le meilleur de la production discographique dans ses différents domaines orchestraux et stylistiques, et d’honorer par un prix particulier le jazzman français le plus créatif de l’année.
Démarche d’amateurs enthousiastes menée par Guy Vincent-Heugas dont un proche était un des créateurs de l’Académie Charles Cros (à l’époque uniquement préoccupée des variétés et de la musique classique), et Jacques André, journaliste à Combat, avec la complicité d’André Clergeat. Leurs prises de positions, un peu brouillonnes, décidèrent une partie des membres fondateurs à se tourner vers des personnages importants du comité de rédaction de la revue Jazz Hot (la seule existant à l’époque) : André Hodeir, Frank Ténot et Boris Vian. Ce qui fut admis à la suite de quelques franches explications.
Ce n’est qu’au bout de deux ou trois ans que les statuts de l’association en définirent les buts ouverts et désintéressés, statuts qui allaient évoluer dans le sens d’une indépendance totale du collège électoral. Depuis cinquante ans, les membres de l’Académie du Jazz n’ont cessé d’être les témoins et les porte-parole de la musique qui respecte au mieux la liberté créative et l’expression directe. Ils ne peuvent que persévérer.
Créée en 1954 avec Jean Cocteau (président d’honneur) et André Hodeir (président), l’Académie du Jazz décerne deux Prix :
Auxquels s’ajoute à partir de 1958 le Prix Fats Waller (de la meilleure réédition de jazz).
Le palmarès 1961 est décerné en janvier 1962 sous la nouvelle présidence de Maurice Cullaz.
Jean Cocteau, président d’honneur et co-fondateur de l’Académie, décède le 11 octobre 1963.
Le Blues fait son entrée à l’Académie du jazz, avec la création en 1964 du Prix du meilleur disque de Blues ou de Gospel Songs, puis celle en 1965 du Prix Big Bill Broonzy du meilleur disque de blues traditionnel.
En 1967, le nombre de Prix décernés passe ainsi à 5 :
À partir de 1968, les catégories se multiplient d’année en année. L’époque est aux étiquettes :
Les années 1970 et 1980 sont marquées par une croissance exponentielle du nombre de Prix (14 prix en 1974, 17 prix en 1975, 20 prix en 1985, jusque 25 Prix en 1992), dont les intitulés volatiles perdent en lisibilité.
En 1990 le Palmarès distingue jusque 27 oeuvres, au travers de nouvelles subdivisions telles que : le Prix des Meilleurs Enregistrements de l’année qui prime cinq albums à la fois, le Prix Langston Hughes, le Prix Gyon Mili attribué à un film.
En 1991 apparaissent : le Prix de la Découverte (décerné à Gonzalo Rubalcaba), le Prix de la Redécouverte, le Prix Spécial de la Première Edition et Meilleure Réédition de l’Année, le Prix Main Stream.
C’est ainsi que le Palmarès 1992 compte jusqu’à 25 Prix.
Claude Carrière inaugure sa Présidence avec un Palmarès 1993 resserré à 12 Prix, qui fait apparaître pour la première fois le Prix Bobby Jaspar du musicien Européen récompensé pour l’ensemble de son œuvre :
En 2005 le président François Lacharme, après débats et arbitrages au sein du Bureau, réduit à 10 le nombre de Prix décernés par l’Académie et en rend les libellés plus lisibles : à l’exception du Prix Django Reinhardt (le plus célèbre de l’Académie du Jazz), seul le libellé de chaque prix subsiste, suivi le cas échéant de sa définition simplifiée afin de faciliter la compréhension du palmarès.
La stabilité est de mise de 2005 à 2022 avec les 10 Prix suivants :
Le nombre de Prix décernés est porté à 11 en 2022 avec la création du Prix Evidence, visant à distinguer un nouvel enregistrement à sortir de l’anonymat.
En mai 2023, la décision est prise collégialement lors d’une réunion du Bureau de l’Académie, sous la présidence de Jean-Michel Proust, de réduire le nombre de Prix à 7, ceci en perspective des 70 ans de l’Académie en 2024, dans l’objectif de donner plus de poids aux Prix et d’améliorer la communication qui les entoure.
Les 7 Prix retenus sont :
Dans tous les cas, il doit récompenser un travail éditorial exceptionnel : mise en valeur de chefs-d’œuvre méconnus ou rares, travail de restauration sonore, présentation intelligente d’une intégrale, disque, livre ou film accompagné d’une documentation et/ou d’une iconographie de qualité inhabituelle, anthologie fondée sur un point de vue original ou autres actions essentielles.
Ce prix consacre une valeur patrimoniale et ne peut concerner que des enregistrements de plus de cinq ans pour les inédits, de plus de dix ans pour les rééditions mais sans limite de date pour les livres, films et autre. Il peut exceptionnellement être décerné à un programme.
Considérant que l’Académie du Jazz, institution remettante, ne peut se limiter uniquement à cette fonction. Le président et son Conseil d’Administration décident de rajeunir, moderniser et féminiser le collège des votants, et adoubent 31 nouveaux académiciens entre mai et fin 2023, ce qui porte le nombre de membres de l’Académie à 80. Les académiciens, tous actifs et neutres, recrutés parmi les directeurs artistiques de festivals, les journalistes, les photographes, constituent dès lors un réseau en capacité de programmer ses lauréats et diffuser les informations les concernant.